Interview publié dans Atlantico le 15 Octobre 2017.
Pour comprendre ce ralentissement, il faut le replacer dans le contexte global : Entre les années 2000 et 2016, l’Allemagne à beaucoup investit dans les énergies renouvelables pour passer de 7% à 30% de leur électricité produite à partir des énergies renouvelables. En France, pendant cette même période nous sommes passé de 13 à 18%, la France a donc pris beaucoup de retard.
Cependant après avoir connu un pic d’investissement dans les renouvelables en 2011 avec 13 GW ajouté, l’Allemagne semble ralentir depuis avec « seulement » 8 GW ajouté en 2016. (voir le graphique ci dessous qui représente les puissances raccordées en Allemagne selon Fraunhofer Institute).
A titre de comparaison, en 2016, en France nous avons ajouté 1,7 GW d’énergie renouvelable, donc le ralentissement Allemand est à relativiser.
Mais pourquoi les Allemands investissent moins dans des moyens de production d’énergie renouvelable en 2016 qu’ils ne le faisaient en 2011 ?
En 2011, le moteur principal était fondé sur les subventions, depuis 2011, les subventions baissent tous les ans et le renouvelable devient rentable sans subventions et s’intègre selon les règles de marché de l’offre et la demande. Un peu quand nous enlevons les petites roulettes d’un vélo pour enfant, au début c’est difficile, mais très vite l’enfant va beaucoup plus vite qu’avant.
En raccordant un grand nombre de projets renouvelables, les Allemands ont bouleversé les équilibres de la production d’électricité dans une grande partie de l’Europe. Etant donné qu’il n’existe pas de moyens de stockage de l’électricité, les Allemands produisent parfois plus que leurs besoins et doivent donc exporter une partie de leur production à prix bradé. Et cette quantité d’électricité exportée ne fait que croitre depuis 2011 (voir le graphique) malgré la fermeture de 7GW de nucléaire en 2011.
Dans un contexte ou la consommation d’électricité n’augmente plus et que les renouvelables ajoutent de plus en plus de moyens de production, ceci provoque une baisse des prix du marché de gros en Europe, passant de 70 €/MWh en 2008 à 36€/MWh en 2017. (voir le graphique ci dessus).
En synthèse, les Allemands :
Ce manque de synchronisation provoque donc des baisses de prix et beaucoup de perte de valeurs. En effet lors des surproductions en Allemagne, le prix du kWh baisse tellement qu’il devient même négatif parfois et il est impossible de demander aux Allemands de rentrer chez eux pour lancer leur lave linge ou leur lave vaisselle pour profiter de cette énergie moins chère que « gratuite ». Donc pour l’instant c’est les ménages allemands qui payent dans leur facture d’électricité les investissements dans les renouvelable sans profiter de la baisse du prix occasionnée.
C’est donc pour cette raison que les Allemands ralentissent légèrement leurs investissements dans les renouvelables tant que les outils de gestion de la demande et les smart-meters ne sont pas déployés.
Comme les exploitants de gaz de schiste aux Etats Unis ne payent pas pour les externalités (pollution des eaux et des sols), ce gaz n’est pas cher mais il se transporte très mal, alors que le charbon se transporte très facilement. Donc les Etats Unis utilisent leur gaz de schiste sur place et exportent massivement le charbon à des prix bradés (le numéro 1 mondial du Charbon, Peabody à fait d’ailleurs faillite en 2016). Les Allemands ont donc réduit leur consommation de gaz pour utiliser le charbon bradé. Entre 2010 et 2016, l’utilisation du gaz pour produire de l’électricité a baissé de 12%, la consommation de charbon est restée stable, ce n’est donc pas les énergies renouvelables qui retardent la baisse de consommation de charbon. Notons d’ailleurs, que depuis 5 ans, chaque année, les Allemands baissent progressivement leur consommation de charbon.
Comme nous l’avons vu précédemment, ajouter 8 GW de production renouvelable en 2016 reste une performance pour les Allemands bien supérieure à beaucoup de pays, dont la France. Depuis maintenant plus de 20 ans, les pouvoirs publics Allemands réduisent les subventions de manière proportionnelle aux baisses des prix de production des renouvelables. Maintenant que les renouvelables deviennent compétitives dans beaucoup de cas de figure, les subventions deviennent de plus en plus légères et de moins en moins indispensables.
Atlantico : Cette production d’énergie renouvelable s’appuie principalement sur les particuliers. Quels peuvent être les bénéfices pour les particuliers à participer à ce système de production d’énergie ?
En Allemagne, le prix de l’électricité est élevé mais lorsque les organismes de sondages demandent aux Allemands ce qu’ils pensent de la transition énergétique, ils la soutiennent à plus de 90%. Pourquoi soutenir une transition énergétique qui double le prix de votre électricité ?
La réponse est simple, elle se décompose en 2 raisons principales.
Source : Fraunhofer Institute, Comwatt