Dans le secteur de l’énergie, il existe un principe universel qui fonctionne dans tous les pays du monde depuis le début de la révolution industrielle, ce principe est celui du “merit order” : un principe qui définit l’ordre dans lequel un système utilise les générateurs d’électricité : c’est la source d’énergie la moins chère qui est utilisée en premier pour répondre aux besoins. Si cette source n’est pas suffisante, le système va activer la deuxième source la moins chère et ainsi de suite.
Selon ce principe, les énergies renouvelables doivent fournir la charge de base, la “base load”. A cette “base load” renouvelable doivent s’ajouter des générateurs hydrauliques, au gaz, au fioul afin d’ajuster avec précision l’offre et la demande.
Les générateurs en charge d’équilibrer l’offre et la demande lors des jours sans vent et sans soleil seront-ils assez puissants en France si la production nucléaire passe de 75% à 50% comme le prévoit la loi ?
Avant de répondre à cette question, il est bon de rappeler qu’en cas de pointe de consommation, nous avons deux leviers pour agir :
- il faut pouvoir disposer d’un moyen de produire même si il n’y a pas de vent ni de soleil
- il faut pouvoir réduire rapidement et temporairement cette consommation, notamment lors des pointes
3) La France est dans un contexte très favorable pour atteindre les 100% d’énergie renouvelable et 100 % de voitures électriques
Dans la grande majorité des pays européens, l’énergie pour produire l’eau chaude, le chauffage et cuisiner est le gaz. La France des cumulus et du chauffage électrique est une exception qui présente quelques avantages insoupçonnés.
En effet, depuis 40 ans, le nucléaire a favorisé le tout électrique : chauffage électrique, cumulus électrique, pompe à chaleur. Cette tendance très contestée par certains thermiciens puristes du 20ème siècle est pourtant une chance pour notre avenir énergétique. Avec ce type d’équipement, la France a un parc d’appareils et un réseau électrique compatible avec le déploiement massif des énergies renouvelables et des voitures électriques, sans contrainte particulière pour la collectivité.
Un réseau français surdimensionné
Afin de pouvoir faire fonctionner le chauffage électrique et les cumulus de la majorité des Français, les réseaux sont dimensionnés pour les périodes de pointe, qui ne représentent que quelques heures par an. La consommation de la France représente à elle seule la moitié de la consommation électrique de pointe de l’Europe. Tout le reste de l’année, les réseaux français sont sous exploités.
C’est un peu comme si nous avions construit des TGV pour que 100% des français puissent prendre le même train. Nous aurions des TGV de 50 étages de haut et de 50 kilomètres de long et qui seraient presque vident 95% du temps.
Des prévisions de croissance de la consommation électrique qui stagne dans les 40 prochaines années
Même avec le déploiement de 4 millions de voitures électriques dans les 10 prochaines années, RTE (en charge de l’équilibre de l’offre et de la demande) et le gouvernement français via la PPE* prévoient une consommation globale d’électricité qui ne va pas augmenter dans les prochaines années.
Pour comprendre ces prévisions, il faut prendre en compte les efforts pour rendre les logements et locaux professionnels plus économes en énergie et mieux isolés. Les réglementations thermiques pour le neuf (RT 2012 et RT2020) et l’ambitieux programme de rénovation énergétique de 500 000 rénovations par an seront des leviers avec de forts impacts sur la consommation globale.
4 Comments
Merci, c’est très intéressant, bien documenté et laisse un sentiment optimiste
Le “mérit order” est mal défini dans votre article : la mobilisation des moyens de production ne dépend pas que de leur coût mais aussi de leur disponibilité, ce qui est une évidence pour le solaire et l’éolien, mais de plus en plus prégnant pour l’hydro électricité. Sa disponibilité dépend de plus en plus de contraintes environnementales car les barrages de haute comme de basse chute ne peuvent plus se contenter de respecter leur cahier des charges et leur règlement d’eau: la mitigation de leurs impacts devient une obligation majeure pour enrayer la perte de biodiversité découlant des graves perturbations de la dynamique fluviale. Interdiction des éclusées, arrêts de turbinages sont imposés par les conditions de milieu et le cycle de vie des espèces.
– la maîtrise de la demande est un chantier intéressant.
– je n’ai pas vu d’analyse sur une année des min, max de productions des énergies intermittentes. Je ne vois pas de solution sur le stockage pour compenser l’intermittence lors des baisses de production, (sans importer et sans utiliser des énergies fossiles), hormis le stockage dans nos batteries de voiture et nos cumulus.
J’aimerai travailler avec vous sur les données, Eolien et Solaire photovoltaïque http://www.epaw.org/echoes.php?lang=de&article=n538, j’aimerai voir comment deux fonctions de stockage de période de l’ordre de la demie journée et de la demie année permettent de lisser la production. On pourrait regarder comment l’écart type évolue et ainsi estimer les capacités de stockage journalier et saisonnier nécessaires. Savez-vous si une telle étude existe ?
– Lors des phases de surproduction, comment fait-on pour débrancher les moyens de production intermittents ? Ce n’est pas ce qui est fait, en Europe les pays préfèrent vendre à prix négatif. Quel est le coût de ce débranchement?
– pourquoi est-il écrit que le réseau est surdimensionné ? Le réseau peut-il admettre beaucoup plus que les 60 Gw de production moyenne actuelle (pointe à 100Gw) ? Avec un facteur de charge compris entre 15 à 30% pour le PV et l’éolien, il faut donc surdimensionner le réseau d’un facteur 5 ?
Ce n’est pas assez detaillé pour être convainquant. Il faudrait chiffrer tout ca. J’ai du mal à croire qu’on arrivera à lisser la production des EnR intermittentes avec une maitrise de la demande (meme sil faut en faire), le compte n y est pas. Il ne faut pas trop compter sur les batteries des voitures car l avenir du parc automobile devrait etre : peu de voitured, legeres, et avec peu d autonomie. Avec votre scenario devra t on arrêter la production d aluminium l hiver ? Reporter les trains quand il n y a pas de vent ? Decaller les opérations aux urgences dans les hôpitaux. Fêter noël en juillet ? Etaler les vacances scolaires pour qu’il n y ait jamais recouvrement entre chaques zones ? EDF décidera pour nous si on peut allumer la lumière ? avant de signer, il faut qu’on s entende bien sur les petites lignes du contrat.