Article écrit par Myriam Maestroni et Grégory Lamotte
L’article complet a été préalablement publié dans Atlantico le 3/09/2017
Il est désormais démontré dans de nombreuses études publiées semaines après semaines que les énergies renouvelables, notamment le solaire et l’éolien – de plus en plus compétitifs -, se posent en alternative viable tant sur le plan économique, technique que climatique. Malgré l’effet Trump, qui a décidé de retirer les Etats Unis des Accords de Paris, le Département Américain de l’Energie reconnait lui-même que l’énergie solaire qui arrive sur terre pendant seulement une heure peut couvrir les besoins de l’humanité en énergie pendant une année entière.
Face à un tel consensus, la question qui prime est : « comment l’exploiter notamment dans les grandes métropoles ? »
Ainsi, une récente étude, reprise par un article d’Ashley Kirk dans “The Telegraph, a comparé – ville par ville – la superficie respective de chaque ville avec la surface de panneaux solaires nécessaires pour produire toute l’énergie permettant de l’alimenter. L’article montre que 80% des plus grandes villes du monde peuvent couvrir tous leurs besoins avec moins de 10% de la surface en solaire, ce qui est une excellente nouvelle. En revanche, toujours selon l’étude, basée sur des critères de comparaison homogènes (consommation estimée en fonction du nombre d’habitants ; consommation moyenne d’électricité per capita dans le pays ; et paramètres d’ensoleillement),la chose sera plus difficile pour des villes denses et de petite surface comme Paris, où il faudrait plus de 44% de la surface au sol en solaire pour couvrir tous ses besoins.
Il est vrai que la ville française la plus peuplée, Paris, 29ème ville la plus dense du monde, arrive en 3ème position en Europe comme aire urbaine derrière Moscou et Istanbul. Elle est par ailleurs extrêmement gourmande en électricité
Cette étude souligne de fait indirectement l’urgence de promouvoir les travaux de rénovation énergétique notamment. Plus généralement il est néanmoins intéressant de s’interroger sur la pertinence de la production d’électricité dans le centre des villes.
Le pétrole, le gaz, le charbon ou l’uranium, exploités sous les aires urbaines, permettent-ils de répondre aux besoins énergétiques des villes ? Bien évidemment non. En fait, les combustibles qui permettent de fournir cette énergie proviennent de gisements situés à des milliers de kilomètres avant d’être transformés en électricité par des générateurs situés aux périphéries des métropoles.
Ces combustibles provoquent des désordres environnementaux importants et les exploitants ne payent pas les externalités négatives. Par exemple, le gaz de schiste est commercialisé à bas prix, mais dans ce prix, inclut-on le coût de la dépollution des eaux et des terres pendant 100 ans ? Certainement pas…
Ces combustibles provoquent également des désordres sociaux et des tensions géopolitiques. En effet, ils sont extrêmement convoités car ils ne sont pas répartis uniformément mais concentrés dans certaines zones. Cette situation provoque des inégalités et de la corruption à grande échelle. En résumé, le nombre de conflits ayant pour cause le contrôle de cesénergies est incalculable.
Au final, nos villes sont très vulnérables car elles dépendent d’énergie qui vient de loin et qui parcourt un chemin souvent long et compliqué lorsqu’on prend en compte la totalité de la chaîne de l’extraction jusqu’à son utilisation. S’il y a un seul incident dans cette longue chaine, c’est le bon fonctionnement des villes qui est menacé.
En matière d’approvisionnement électrique, pour ne prendre qu’un seul exemple, la vie des villes tient à quelques fils. Une grande ville de plusieurs millions d’habitants est alimentée par des lignes à très haute tension, la rupture de quelques une de ces lignes provoquerait une véritable panique. Avec la montée des risques climatiques et terroristes, avoir ce genre de fragilités ne va pas dans le bon sens.
Pour se faire une idée de la gravité du sujet, nous recommandons de lire le roman de l’autrichien Marc Elsberg, “Black Out”, devenu – depuis sa publication en 2012 – un véritable phénomène éditorial en Allemagne. L’auteur, régulièrement invité par tous les médias nationaux outre-Rhin pour son expertise scientifique et technique, développe un scénario catastrophe : par une froide soirée d’hiver, le réseau électrique européen commence à lâcher, laissant de nombreux pays dans l’obscurité et dans le froid avec des effets dominos mettant en danger la vie de millions d’êtres humains, plus du tout préparés à vivre sans énergie. Un thriller extrêmement effrayant qui s’appuie malheureusement sur quelques réalités donnant à cette fiction quelques accents de crédibilité.
A titre de comparaison, et pour s’inspirer de la logique du bio-miométisme, un arbre va-t-il puiser son eau et ses nutriments à 500 km de l’endroit où il est planté ? Bien sûr que non, il puise son énergie dans son environnement direct, c’est plus fiable et moins risqué !L’énergie tombe du ciel de manière dispersée, pourquoi la concentrer pour ensuite la distribuer sur tout le territoire ?
Dans l’étude reprise par The Telegraph, il est indiqué que dans 80% des villes, le solaire permettrait facilement de produire, sur une année, l’électricité consommée. Mais l’article ne précise pas si la production et la consommation seraient équilibrées à chaque instant, or cela est un point vraiment plus compliqué à traiter. Il est légitime de s’interroger pour savoir si, au fond, cette étude ne serait pas porteuse d’une fausse bonne nouvelle ? Heureusement, l’actualité de la recherche nous permet d’aller plus loin avec un article de l’université californienne de Standford.
Lors de l’université d’été E5T fin Aout 2017, que j’ai eu le plaisir d’animer un stand-up dans lequel Jean-Louis Bal, le Président du Syndicat des Energies Renouvelables (SER), a présenté devant 800 personnes une avancée majeure de la recherche. Il s’agit d’une publication récente de Mark Z. Jacobson qui fait une analyse complète de 139 pays et démontre, chiffres à l’appui, que non seulement il est possible de passer à 80% d’énergie renouvelable en 2030 (100% en 2050), mais que cela sera possible à un prix inférieur à celui d’aujourd’hui.
Selon cette étude (je ferais un autre article dédié à cet étude), l’électricité solaire et éolienne va remplacer progressivement le pétrole, le gaz, le charbon, le nucléaire et même la biomasse. Elle est en effet moins chère, plus facile à mettre en œuvre, et bien moins impactante pour l’environnement. De plus la synchronisation entre l’offre et la demande pourra être réalisée par :
En guise de conclusion, je rappellerai la chanson d’Alain Souchon, « on avance », dont le refrain triste « on n’a pas assez d’essence pour faire la route dans l’autre sens », était parfaitement compréhensible dans un monde gouverné par les énergies de stock (charbon, pétrole, uranium), mais va devenir incompréhensible pour les enfants nés en 2030, qui ne connaitront que les énergies de flux…inépuisables, et consommées avec modération ! Cher Alain, il va falloir nous écrire de nouvelles chansons.