Publié le 15/04/2019 | Grégory LAMOTTE | Les Echos
Après la Seconde Guerre mondiale, il fallait produire de manière massive l’électricité et unifier le système électrique. EDF a permis d’atteindre ce double objectif. Mais la structure financière de EDF devient inadaptée au 21e siècle. Pourquoi ? Que faire ? Pour bien comprendre la situation, il faut faire un rappel du contexte actuel.
Au 20e siècle, la manière la plus rentable de produire du courant électrique est de construire de grandes usines (charbon, gaz et nucléaire) et de produire de manière centralisée. Cela était efficace et très adapté à la manière centralisée de concevoir le pouvoir en France.
Au 21e siècle, dans presque tous les pays, la production d’électricité décentralisée à partir d’énergie de flux (éolien, solaire) devient moins chère que la production centralisée (1). C’est pour cela que les principaux producteurs comme Engie, Eon (Allemagne), etc. se séparent d’une grande partie de leurs actifs centralisés pour investir dans les énergies renouvelables.
La consommation n’augmente plus dans les pays de l’OCDE depuis 2010. Les causes sont nombreuses, liées à la démographie et aux progrès de l’efficacité énergétique. (2)
Selon les prévisions de RTE (filiale de EDF), d’un côté, une meilleure utilisation de l’électricité avec des appareils plus efficaces et avec des gaspillages en moins vont réduire la consommation. De l’autre côté, les nouveaux besoins d’électricité dans le transport (voiture électrique principalement) vont augmenter les besoins. Mais au global, et selon RTE, la somme de ces deux tendances va se neutraliser et la consommation globale va stagner ou baisser.
La structure financière actuelle d’EDF n’est pas adaptée à la transition énergétique. Dans un contexte de stagnation de la consommation électrique, quand les Français réduisent leur consommation ou que de l’énergie est produite par des sources renouvelables, EDF va vendre moins d’électricité. Cette baisse des ventes par EDF est importante et va augmenter de plus en plus avec le déploiement de la transition énergétique.
EDF a des frais fixes colossaux, très peu de frais variables. Ainsi, si EDF a moins de recettes, mais garde les mêmes dépenses, cela pose un énorme problème de rentabilité à EDF qui est très endettée (environ 60 Md€). Imaginez dans quelques années quand EDF aura fermé plusieurs centrales nucléaires, EDF aura les mêmes dépenses qu’aujourd’hui (voir davantage à cause du démantèlement) et aura beaucoup moins de recettes. Que va-t-il se passer alors ? EDF va devoir augmenter ses prix pour ne pas être renflouée tous les ans avec nos impôts. Mais si EDF augmente ses prix, elle va perdre encore plus de clients qu’aujourd’hui (elle en perd environ 100 000 clients par mois en 2019). Si EDF perd des clients, elle va devoir fermer de nouvelles centrales nucléaires. Le cercle vicieux pour EDF est inéluctable, le système EDF est donc très instable.
Si EDF est dans une situation instable, nous n’avons que 2 choix : stopper la transition énergétique ou couper EDF en 2. Comme il est impossible de stopper la transition énergétique pour des raisons évidentes, réformer EDF est la seule solution. En effet, si EDF est en grandes difficultés financières, EDF va tenter par tous les moyens de réduire ses frais, notamment les frais d’entretien des centrales nucléaires, ce qui aurait des conséquences inacceptables sur la sécurité des Français. Il est donc important de séparer en deux EDF. Une partie nucléaire qui est nationalisée et dont le budget de démantèlement est sécurisé par l’État et par nos impôts, une partie privée qui répond aux exigences de mise en concurrence des marchés de l’électricité.
(1) Selon le rapport de la banque Lazard LCOE 2018
(2) Selon l’IEA dans ses rapports de synthèse